D’abord il y a "Big screen / Flat people", une ambiance New Yorkaise comme seuls ces français là savent le faire. C’est noise, c’est tendu, puissant… On pense à Bästard, qui, 10 ans auparavant nous avait quitté sur un "radiant, discharged, crossed off" inoubliable…
Mais le temps ne s’est pas suspendu et Zëro n’est pas Bästard ; ce premier titre est un témoin entre deux trémas, un pont entre ce que furent les Bästard et Narcophony, autre projet aux mélodies subtiles et contemporaines d’Eric Aldéa et Ivan Chiossone ; tous deux avec Franck Laurino et François Cuilleron force composite de Zëro.
Ensuite il y a "Go stereo", sublime titre que l’on pourrait avec humour qualifier d’after post-rock, lumineux et entêtant, entérinant définitivement le fait que Zëro a forgé sa propre identité.
Sans aucune attache, totalement international, ce "Go stereo" est un véritable hymne contemporain au « Back to the mono » de Phil Spector.
Pas besoin de haute technologie pour bien faire. Ici, tout est fait comme il l’a toujours été, live et en groupe, entre rigueur et totale décontraction. Le son étant leur seul motif de perfectionnisme et
d’obstination. Il suffit de les voir en concert pour le comprendre.
C’est sans doute dès ce titre que le message de Zëro se révèle, l’approche avec totale liberté d’expression de ce que le rock représente à leurs yeux ; un métissage de cultures et d’influences où le jazz d’un Sun Ra et le blues d’un Captain Beefheart ne sont pas étrangers mais complètement assimilés.
Il est clair que la musique de Zëro s’aventure plus dans des contrées inventives que dans les sentiers battus du rock à identité fixe. On y croise autant Jack Berrocal et Gene Vincent en "Drag Queen blues" sous extasy et des Devo rajeunis le temps d’une reprise de
"Automotown / Space girl blues" vivifiante, que le krautrock de Can et Kraftwerk dans un "Luna Park" ludique où psychédelisme et harmoniques offrent un roller coaster cérébral et addictif. On croisera des Pavement névrosés, des Sonic Youth, branleurs et éternellement jeunes tout comme un paquet d’autres freaks qui en marge de tout courant auront constamment réécrit avec singularité et intelligence le
langage du rock.
Chaque titre s’évade du précédent, fuyant la routine et l’étiquette comme la peste, un sourire au coin des lèvres, une bonne boite à blague sous le bras. Ce Joke Box se dévoile avec la malice d’une boite
d’illusionniste, d’un « vice » sans fin où le plaisir et la surprise sont sans cesse renouvelés. Si Zëro porte un tel nom c’est, peut être à l’insu de ses humbles membres, qu’il est bien à la source des genres et qu’il nous en offre dans son Joke Box un superbe florilège.
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